Discours du 16 janvier 2007 au Panthéon
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AFP 16/01/2007 08:16:07
Parmi les 2.725 Justes de France auxquels le président
Jacques Chirac rendra hommage au nom de la nation, jeudi au Panthéon,
le Chambon-sur-Lignon (Haute-Loire) tient une place à part:
celle d'unique collectivité à détenir ce titre
pour la bravoure de ses habitants de 1940 à 45.
Durant cette période, ils furent des milliers à trouver
refuge au sein de la population du "Plateau", terre protestante
située aux confins de la Haute-Loire et de l'Ardèche,
dans le plus important sauvetage collectif de juifs en France.
C'est dès l'automne 1940 que le pasteur André Trocmé et
le co-pasteur du Chambon Edouard Theis, suivis par les pasteurs
des 12 autres paroisses de la région, appellent leurs fidèles à "obéir à Dieu
plutôt qu'aux hommes", avant de leur demander d'ouvrir
leur porte aux persécutés du régime nazi.
Souvenir des persécutions subies par leurs propres ancêtres,
tradition d'accueil: la population locale répond immédiatement à l'appel.
A partir de 1941, des organisations internationales, l'Oeuvre
de secours aux enfants (OSE) et le Secours suisse, entre autres,
y envoient des enfants et adultes extraits des camps d'internement
de Gurs et de Rivesaltes, dans le sud.
Ils sont hébergés dans des pensions ou des maisons
de vacances et fréquentent la Nouvelle école cévenole,
créée en 1938 par le pasteur Trocmé.
En 1945, les réfugiés partent mais les habitants
du Plateau continuent de se taire, jugeant n'avoir fait là que
leur devoir.
"Le fait religieux est déterminant dans leur attitude",
confirme le maire actuel du Chambon-sur-Lignon, Francis Valla.
Si l'hommage de la nation aux Justes, jeudi à Paris, est
une source de fierté pour les 3.000 habitants du Chambon,
ce sentiment s'accompagne toujours d'une grande discrétion.
"L'Etat a invité le conseil municipal. Bien sûr,
nous sommes fiers. Mais ici on ne se vante pas, on n'aime pas se
mettre en avant", explique M. Valla.
Peu à peu, la pudeur s'efface toutefois devant le devoir
de mémoire.
A ce titre, Francis Valla ne sera pas présent à Paris,
d'autres célébrations étant prévues
dans le même temps au Chambon-sur-Lignon, jumelé depuis
fin 2006 avec le village de Meitar (Israël), pour le lancement
par la Poste d'un "timbre des Justes".
A cette occasion, une exposition sera organisée dans la
gare du village, là où arrivaient les enfants juifs
en quête d'abri. Elle s'accompagnera de la projection du
film "La Colline aux mille enfants" et d'un concours
de dessin.
"C'est bien de parvenir désormais à communiquer
un peu alors que la mémoire vivante tend à disparaître",
souligne M. Valla.
La reconnaissance, le Chambon-sur-Lignon l'a connue
une première
fois en 1990, lorsque le gouvernement israélien octroya
le titre de "Juste parmi les nations" à l'ensemble
de ses habitants. Une stèle érigée au mémorial
de Yad Vashem, en Israël, les honore également.
En France, il faudra attendre le 8 juillet 2004,
date à laquelle
Jacques Chirac choisit ce lieu symbolique pour appeler les Français à la
vigilance face à la montée des intolérances.
Ce jour-là, Joseph Atlas, un ancien réfugié juif
de 77 ans, raconte devant le président comment les villageois
l'ont sauvé, avant d'ajouter: "Mais pourquoi n'y a-t-il
eu qu'un Chambon?"
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